Wednesday, 13 June 2018

Indicateur de performance, pièges et difficultés

Ecrit par Alain Fernandez



Quatre précautions pour bien choisir un indicateur de performance

Soyons radical et sans concession : Tous ceux qui se laissent tenter par la facilité lors du choix des indicateurs supposément de performance ne méritent pas notre compassion...Bref, tant pis pour eux s'ils se plantent ;-). Etudions les quatre principaux obstacles au bon déroulement de cette phase essentielle...

Le choix des indicateurs de performance (KPI, Key Performance Indicator) demande de la réflexion et du discernement. Il est tellement facile de ne pas se creuser la tête et de piocher des supposés indicateurs dans des listes ou en copiant sur son voisin. Mais quelle erreur ! Il s'agit de mesurer la performance pour mieux décider, pas d'afficher de jolis couleurs sur son tableau de bord ! 

1) Résister à la persistance des décisions prises par le passé

Se remettre en question est difficile pour tout le monde. Et lorsque les tableaux de bord ne viennent pas confirmer la justesse des décisions prises par le passé, la tentation est forte de changer d'indicateurs pour en sélectionner de plus valorisants. La révision des tableaux de bord peut ainsi être motivée par des comportements pour le moins pervers.
Il n'est pas facile de remettre en cause ses choix passés. Admettre que l'on ait pu se tromper n'est pas à la portée de tout un chacun. On préfère et de loin persister dans les choix passés et étouffer dans l'âme la petite lueur de clairvoyance qui nous interpelle et clignote en chuchotant :
"Tu te trompes, tu te trompes depuis le début...".
Chut ! Tais-toi ! On saura la faire taire en ne choisissant que les indicateurs qui confirment les choix passés. 
Super le tableau de bord ! Tous les voyants sont au vert ! On continue !
J'en ai même connu qui bricolaient les indicateurs pour cela... Mais, chut! Ça reste entre nous...
Ces tableaux de bord ne reflètent que les aspects positifs des actions engagées et ne pourront inciter le décideur à prendre les bonnes décisions, souvent radicales. Ce type de tableau de bord n'est rien d'autre qu'un puissant destructeur de valeurs.
Pas aisé aisé, depuis l'extérieur, de décoder ces manips occultes.

2) Etudier soigneusement le lien de causalité

Quel est l'effet ? Quelle est la cause ?
Il n'est pas toujours évident d'établir le lien de causalité entre les leviers d'actions et les mesures de résultats, entre l'effet et la cause. Généralement, les tableaux de bord sont encombrés de mesures de résultat lorsque les utilisateurs ne disposent d'aucun des leviers d'action. A quoi ça sert ? Vous l'avez deviné, à rien. Lors du choix des indicateurs (KPI), il est important de prendre soin de ne pas uniquement visualiser des mesures généralistes fortement déconnectées des moyens d'actions disponibles.

3) Se méfier des comportements trop introvertis

Les organisations ont tendance à privilégier les comportements introvertis. Elles consacrent une bonne part d'énergie à ce "qu'elles sont" sans se préoccuper de la manière dont "elles sont perçues". En toute logique, les tableaux de bord sont conçus en respect de ce travers.

Les indicateurs mesurant la performance des processus internes et les résultats financiers se taillent la part du lion. Cette perception partielle inhibe toute réflexion sur la réalité du marché, les clients et la concurrence. 
Pister les processus internes et les résultats financiers est bien entendu utile. 
Mais se limiter à cette perception partielle est dangereux. Elle interdit toute réflexion sur la réalité du marché, les clients et la concurrence. Un bon tableau de bord propose une appréciation complète de la réalité économique.
" Un tableau de bord efficace doit au contraire contribuer aux développements des comportements extravertis et inciter les managers de tous niveaux à sortir la tête du sac pour évaluer avec précision non seulement les attentes des clients, mais aussi les comportements des concurrents afin de mieux anticiper le devenir de son propre créneau. Il s'agit de gérer son capital 'part de marché'."
"Quelques réponses aux questions que tout concepteur est en droit de se poser..."

4) Ne pas rêver trop fort, décider en groupe, ce n'est pas facile !

« Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c'est déjà trop.
Georges Clemenceau
Un groupe est rarement suffisamment cohérent pour être en mesure de prendre collegialement des décisions efficaces, fruits d'un véritable consensus dynamique. Très souvent, des phénomènes régulateurs pervers incitent le groupe à limiter son engagement pour une recherche de soit-disante conformité aux règles de fonctionnement sacralisées.Le passage à un groupe suffisamment entreprenant pour prendre de véritables décisions d'engagement nécessite un changement radical des modes de management encore pratiqués dans les entreprises.
Un jour, au cours d'un séminaire, je pose la question suivante :
"Pour vous, c'est quoi une bonne décision ?"
Une jeune femme me répond malicieusement :
"C'est celle qu'aurait pris le patron s'il avait été à notre place.".
C'est d'autant plus vrai lors de la décision en équipe. Un groupe a plutôt tendance à niveler et à rechercher la conformité. D'autre part, il faut aussi reconnaître que les programmes de développement de la décision en groupe ont trop souvent été le prétexte des hierarchies qui voulaient jouer les apparences en introduisant un semblant de responsabilité coopérative dans l'organisation. On attendait pas vraiment qu'ils décident quoique ce soit.
Le passage de l'organisation pyramidale à une structure horizontale multipliant les points de décision n'est pas une évidence. Lorsque les utilisateurs ne sont pas persuadés de la sincérité du changement, il ne faut pas attendre un grand dynamisme de leur part pour cette étape fondamentale de l'appropriation du tableau de bord comme système d'aide à la décision.

Et last but not least : Attention au mythe de la carotte et du bâton


Avec des objectifs traditionnellement fixés unilatéralement par la hiérarchie, il ne sera pas évident de sélectionner des indicateurs incitant les acteurs à entreprendre des initiatives gagnantes.

Le management privilégiant le classique schéma sanction-gratification génère son propre poison. Les acteurs sélectionneront naturellement les voies les plus faciles d'accès. Ce ne sera pas toujours les plus pertinentes de la démarche de progrès. 

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