Auteurs : Cynthia Beath, Irma Becerra-Fernandez, Jeanne Ross et James Short, MIT Sloan Management Review
Les entreprises modernes sont inondées de données dont le volume s’accroît au rythme de 35 % à 50 % chaque année. De nos jours, les sociétés traitent plus de 60 téraoctets d’information
La croissance rapide des données engendre de nouvelles occasions pour les applications analytiques et un service à la clientèle amélioré, mais seulement si les TI et les gestionnaires de l’entreprise travaillent de concert.
annuellement, environ 1 000 fois plus qu’il y a dix ans. Par ailleurs, la majorité des données que les entreprises collectent, créent et gèrent aujourd’hui ne sont pas structurées. On les retrouve dans des documents de traitement de texte, des feuilles de calculs, des images et des vidéos qu’on peut difficilement récupérer ou interpréter.
À quel point les entreprises réussissent-elles à gérer l’explosion de données et à tirer parti des occasions qu’elle présente ? Dans quelle mesure extraient-elles de la valeur des données à leur disposition ? Afin de répondre à ces questions, nous nous sommes associés à des collègues de sept centres de recherche en TI et nous avons étudié les activités liées aux données et à l’information dans 26 sociétés et grands organismes sans but lucratif aux États-Unis. Elles œuvraient dans différents secteurs d’activité, dont le commerce de détail, les soins de santé, l’industrie manufacturière, l’éducation et le secteur public.
En dépit du buzz lié au big data, la plupart de ces organisations se concentraient sur les problèmes de stockage et de protection d’énormes quantités de données et sur leur accès, des efforts dont la responsabilité incombait principalement aux TI. Elles n’ont toutefois pas investi d’importantes ressources dans les occasions d’affaires qu’offrent ces données. Notre étude a montré que, malgré sa grande compétence dans le stockage et la protection des données, l’unité des TI ne peut prendre aucune décision clé concernant la transformation des données en valeur pour l’entreprise. Seuls quelques chefs de l’information et autres dirigeants des TI ont indiqué que leur entreprise réussissait à tirer de ses données une valeur importante pour l’entreprise.
C’est aux chefs d’entreprise qu’incombe l’initiative de mieux utiliser les données.
Pourquoi l’explosion de données est un sujet de préoccupation pour la haute direction
Dans chaque organisation que nous avons étudiée, la croissance des données dépassait de loin celle des revenus. L’augmentation annuelle du volume de données stockées variait de zéro, dans le cas d’une entreprise qui était réellement en régression sur tous les plans (revenus, employés, etc.), à 150 % dans le cas d’un groupe hospitalier. Le taux de croissance moyen des données était d’environ 40 % par année, ce qui doublait essentiellement le volume de données stockées tous les deux ans. Les taux de croissance les plus élevés ont été relevés dans les universités de recherche (où certaines activités de recherche produisent d’énormes volumes de données) et les réseaux hospitaliers (où la radiologie et d'autres fonctions riches en images et les applications de dossiers médicaux électroniques soutiennent la demande de stockage). Nous nous attendions à ce que cette explosion de données permette aux entreprises de mettre plus de données entre les mains des décideurs à tous les paliers de l’organisation, et certains de nos répondants ont confirmé que c’était le cas. Toutefois, dans la plupart des organisations, la création de valeur pour l’entreprise à partir des volumes de données plus élevés reste de l’ordre du vœu pieux. Afin de mieux comprendre l’enjeu, il est utile d’examiner les différents facteurs de croissance pour les données structurées comme pour les données non structurées.
Données structurées.
Au fur et à mesure que les sociétés investissent massivement dans des systèmes de planification des ressources, des systèmes de gestion des relations avec la clientèle, des étiquettes d'identification par radiofréquence et autres technologies, le volume de données associées aux transactions se multiplie. Par exemple, les entreprises collectent des données sur les niveaux de stocks, les mouvements de transport et les opérations financières, ce qui leur permet de mieux communiquer avec leurs clients, d’accélérer les chaînes d’approvisionnement, de gérer les risques financiers, d’optimiser leurs processus et de trouver de nouvelles occasions. Idéalement, les données transactionnelles ne sont collectées et stockées qu’une seule fois. Dans la pratique, de nombreuses organisations ont des applications et des bases de données redondantes, ce qui ajoute aux coûts de stockage des données et fait qu’il est plus difficile et plus coûteux d’y accéder. L’augmentation des données structurées peut être une arme à double tranchant : une granularité accrue engendre pour l’analytique des occasions susceptibles d’entraîner une amélioration des processus et des relations avec la clientèle, mais les données contradictoires ou redondantes peuvent nuire à la prestation des services et mener à des contestations quand il s’agit d’établir quelles données sont les plus exactes. Malgré les importantes améliorations apportées au traitement sémantique qui, à tout le moins en théorie, permet aux gens de trouver des données quel que soit leur lieu de stockage, un fort pourcentage de données stockées ne servent à rien, car la direction n’a pas précisé comment elles seront utilisées, c’est-à-dire qui prendra quelles décisions ou qui fournira quels services au moyen de ces données.
Données non structurées.
Les documents, les images, les vidéos et les courriels constituent la plus grande part des données existantes dans la majorité des organisations, et l’essentiel de la croissance. Cette croissance est alimentée par de nombreux facteurs, dont les exigences de la réglementation, l’utilisation généralisée de Microsoft Office pour la coordination et les communications internes, et de plus en plus, le suivi rigoureux des interactions des clients. Certaines entreprises constatent que les données non structurées collectées par le truchement des médias sociaux et grâce à de meilleurs systèmes de gestion de documents favorisent le partage de l’information et des connaissances. Ce partage crée des occasions d’améliorer le service à la clientèle et les opérations, ainsi que d’accélérer la R-D. Toutefois, pour tirer de la valeur des données non structurées, il faut habituellement réorganiser et indexer certains renseignements (par exemple, coder les notes des médecins pour indiquer si un patient fume, a déjà fumé, a vécu avec un fumeur, etc.). Par ailleurs, les barrières organisationnelles, comme l’absence d’une culture de collaboration, peuvent nuire à l’accès à des données potentiellement précieuses.
Malgré ces difficultés, certaines entreprises trouvent des façons d’extraire de leurs données une nouvelle valeur importante. Aetna, par exemple, a considérablement accru son chiffre d’affaires au cours des dix dernières années en augmentant de 7 à 50 le nombre de segments dans lesquels elle exerce ses activités. La société a cerné les nouveaux segments en analysant les données au niveau de chaque client individuel par opposition au niveau plus global du compte de l’employeur. Campbell Soup, pour sa part, utilise les données de son système de planification des ressources d'entreprise (ERP) pour examiner ce qu’il lui en coûte pour fabriquer ses produits et les mettre en marché, ce qui a entraîné d’importantes réductions de coûts. « Nous avons maintenant des données dont nous n’avions jamais disposé, a affirmé un dirigeant du secteur des TI. Partners HealthCare, le plus important fournisseur de soins de santé du Massachusetts, réutilise des données de dossiers médicaux collectées à l’origine à des fins cliniques — un mélange de données structurées et de données non structurées — pour accélérer considérablement la recherche médicale. Au dire de l’ancien chef de l’information, John Glaser : « Nous pouvons diviser le coût de la recherche par cinq, et le temps requis par dix. C’est énorme. Et même si ces améliorations étaient réduites de moitié, cela reste vraiment énorme ».
Toutefois, les entreprises qui trouvent de la valeur accrue dans le big data constituent l’exception et non la règle. La plupart d’entre elles n’ont pas décidé à qui devrait revenir la responsabilité de gérer les données et d’alimenter la réussite de l’entreprise. De nombreux cadres supérieurs estiment que les TI devraient prendre les commandes, car ce secteur gère les bases de données et les centres informatiques. Les TI ne peuvent cependant pas gérer l’explosion de données à elles seules. En effet, les unités des TI sont confrontées à deux grands défis : gérer les coûts d’exploitation et les risques associés aux données, et apprendre à interpréter les données pour améliorer la souplesse et les résultats de l’organisation. Pour arriver à relever ces défis, il est essentiel que les TI et les gestionnaires de l’entreprise collaborent de façon étroite et continue.
Collaborer pour augmenter la valeur
Pour optimiser les avantages de l’explosion de données tout en réduisant au minimum les coûts et les risques, la direction de l’entreprise doit clarifier les responsabilités de chacun. Celle de gérer les données peut, dans une large mesure, être confiée à une unité des TI, mais les dirigeants de l’entreprise doivent assumer la responsabilité de définir la proposition de valeur des données et s’y tenir.
Sur le plan stratégique, les TI peuvent assurer le stockage sûr, fiable et économique des données ainsi que l’accès à celles-ci et renseigner tous les secteurs de l’entreprise sur les options de stockage et sur l’accès économique aux données. Nous avons découvert plusieurs pratiques particulièrement utiles.
• Utilisation du stockage hiérarchisé pour gérer les coûts.
Les pratiques de stockage hiérarchisé aident à gérer les coûts en organisant le stockage de données selon les exigences d’accès. Le stockage au premier palier, qui présente une fiabilité optimale, un temps d’attente minimal et un coût élevé, est essentiel pour les entreprises qui doivent avoir accès aux données en tout temps (jour et nuit). Le stockage au deuxième palier, qui repose sur des réseaux de stockage (SAN) pour les données structurées et des périphériques de stockage en réseau (NAS) pour les données non structurées, est moins coûteux, mais suffit généralement pour le stockage des données où le temps d’attente et la fiabilité sont moins critiques. Le stockage au troisième palier, le moins coûteux (malgré son coût d’accès plus élevé), utilise les juke-boxes à stockage optique et des systèmes de bandes pour les données qu’on consulte rarement. L’unité des TI peut se charger d’élaborer des processus d’archivage qui prévoient, après une période déterminée, le passage au troisième palier des données que l'on consulte rarement. Bien entendu, dans de nombreux pays, la réglementation régit l’archivage et la suppression des données. De nombreuses entreprises ont appris à leurs dépens qu’elles doivent non seulement avoir des politiques de conservation ou de destruction de certaines données, mais qu’elles doivent les respecter rigoureusement. Les TI peuvent mettre en œuvre ces politiques, mais la direction de l’entreprise doit les établir et financer leur mise en application.
• Faire appel à l’expertise des fournisseurs.
Lorsqu’une organisation n’a pas les capacités techniques nécessaires pour gérer le stockage hiérarchisé, elle peut se tourner vers un marché de fournisseurs établi. Un nombre croissant d’entreprises comptent sur des fournisseurs pour assurer la sécurité, la fiabilité et la rentabilité de leur stockage de données, particulièrement dans le cas de données qui ne sont pas essentielles à leur exploitation. Bien sûr, il incombe à la direction, et non aux TI, de décider du caractère essentiel ou non des données.
• Rendre les coûts de stockage transparents pour les utilisateurs.
Autrefois, les coûts du stockage de données représentaient une petite fraction du budget global des TI. En fait, la plupart des utilisateurs dans l’entreprise considéraient que le stockage était « gratuit ». Cependant, les données non structurées et la diffusion de données en continu ont entraîné une augmentation énorme des volumes de stockage et ont ajouté des coûts réels pour les entreprises. La communication de ces coûts réduira la soif des gestionnaires pour la conservation de données sans ajout de valeur. Toutefois, il incombe aux gestionnaires, et non aux TI, de déterminer si la valeur associée à la conservation des données en justifie le coût.
Dans une économie axée sur l’information, les entreprises doivent profiter de leurs données pour améliorer leur processus, lancer des produits et services novateurs et séduire leur clientèle. Les choses n’avanceront pas tant que les hauts dirigeants n’auront pas adopté trois pratiques essentielles.
1. Cerner vos « données sacrées ».
Les données sur les clients, les commandes,, les articles en stock, les employés, etc. forment l’essentiel de la plupart des dossiers d’entreprise. À mesure que les entreprises se développent et deviennent plus complexes, ces données commencent à prendre des sens différents et à offrir des occasions à différents services de l’entreprise. Pour travailler sans heurts, les organisations doivent cerner leurs données transactionnelles essentielles et s’assurer de l’intégrité de celles-ci, tout en prévoyant des variations locales dans le cas d’autres données. L’ancien chef de l’information de J.C. Penney, Tom Nealon, a observé que dans le commerce de détail, les « données sacrées » étaient les bons de commande. « C’est le point de départ, et c’est l’information que nous faisons circuler tout le long de la chaîne d’approvisionnement, de l’acheteur jusqu’à l’installation sur les tablettes des magasins. » Dans le cas des soins de santé, les données sacrées sont les dossiers médicaux des patients. En définissant ses « données sacrées », la direction clarifie le déroulement des activités de l’entreprise et établit les paramètres de l’architecture de l’organisation des données, sur laquelle l’unité des TI peut élaborer sa stratégie.
2. Étiqueter et utiliser les données non structurées.
Pour tirer de la valeur des données non structurées, les entreprises doivent définir les processus qui créent, récupèrent, modifient et réutilisent les documents, messages, images et autres données de ce type. On croit à tort que les données non structurées vont de pair avec les processus non structurés. C’est peut-être vrai dans le cas des petits groupes, mais pour que les données non structurées aient une incidence sur l’entreprise, on doit définir les processus dans lesquels elles seront utilisées. Une fois que l’entreprise aura décidé de la manière dont les données non structurées seront étiquetées et utilisées, l’unité des TI devrait être en mesure de trouver les bons outils pour mettre en application ces décisions.
3. Perfectionner les processus.
Afin de profiter de l’explosion de données, les entreprises doivent s’engager à en effectuer une analyse régulièrement pour permettre l’amélioration continue de leurs processus. Comme nous l’avons mentionné, Aetna utilise ses données pour créer des segments de marché distincts. Lorsque les données démontrent qu’un segment de marché donné est mal servi, sous-évalué ou trop coûteux à servir, les gestionnaires savent comment réagir. Tirer profit de l’information est un processus itératif. L’amélioration des processus, du service à la clientèle et des produits peut donner accès à des données plus riches, ce qui pourrait entraîner d’autres innovations et permettre de gagner en efficacité.
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