Thursday, 26 July 2018

Procédure et transfert de connaissance


Les procédures n'ont d'autre finalité que celle de s'assurer de la bonne exécution d'une tâche quel que soit l'exécutant. Mais peut-on aussi facilement formaliser les connaissances afin de les rendre transférable ? Les métiers sont complexes et le passage du tacite (la pratique sur le terrain) à l'explicite (la rédaction de la procédure) n'est pas aussi évident que cela en dépit de ce qu'avancent les normalisateurs de tout poil.
Etudions un cas précis : la confection selon César d'un Mandarin-Citron-Curaçao.

Comment garantir la bonne exécution d'une activité ?

Les entreprises encore porteuses du lourd héritage de la division du travail et de la spécialisation des tâches, ont toujours privilégiées l'élaboration de procédures détaillées aux dépens d'une formation ad hoc facilitant la responsabilisation des acteurs de terrain.
Avec la complexité des tâches, les exigences de flexibilité et de polyvalence, tant qu'elles persistent à procéder ainsi, elles sont plutôt mal barrées me diriez-vous.
C'est sûr. D'autant que le recours systématique aux procédures dans l'espoir de transférer la connaissance n'a jamais réellement rempli sa mission une fois sortie du contexte très particulier du travail à la chaîne, qu'il soit industriel ou bureaucratique. Bref, les procédures ne sont pas vraiment le moyen le plus efficace pour transférer la connaissance, loin s'en faut !

De la pratique de terrain à la règle écrite et vice versa

Le passage du "tacite" à "l'explicite" n'est pas des plus évident, ceux qui ont connus les premières générations de projet de gestion des connaissances ou knowledge management, ne viendront pas me contredire. Les métiers de l'entreprise sont complexes et les connaissances acquises de l'expérience c'est à dire de la répétition de la pratique sont quasiment impossibles à formaliser.

Mais alors pourquoi chercher à formaliser ainsi les connaissances ?

Pour deux raisons concomitantes :
  • la première tout à fait dans la lignée de l'OST (Organisation Scientifique du Travail), n'est autre que la volonté de capter la connaissance des techniciens acteurs de terrain afin de les priver d'une part importante de leur pouvoir.
  • La seconde, dans la lignée de la première, est de rendre les acteurs de terrain facilement interchangeables et donc remplaçables par des techniciens moins qualifiés et donc plus "souples" pour ne pas dire malléables à volonté.
  • Et ça marche ?

    Sur le plan financier, en apparence oui ou en tout cas à court terme.

  • Et comme le court terme est la seule préoccupation actuelle, ces pratiques ne changeront pas de sitôt.
    Pour le reste, voir notamment la grave problématique de la maintenance des centrales nucléaires, la précarisation des exécutants et les risques pris autant pour la sécurité et la sureté de l'installation que pour la propre santé des techniciens pas toujours bien formés.
    À lire, les conclusions de la commission d'enquête sur le nucléaire : Nucléaire : trop de sous-traitants dans les centrales ?, ainsi que l'article : Nucléaire : voyage au pays des forçats de l'atome

    Faut-il pour autant jeter le bébé "procédure" avec l'eau du bain ?

    Bien sûr que non ! Les procédures ont leur utilité lorsqu'elles servent d'aide-mémoire pour exploiter un outil ou un système complexe ou peu courant ou préciser les exigences de sécurité, d'hygiène, de la gestion documentaire... Sans lister tous les cas, les procédures sont incontournables lorsqu'elle sont utiles aux acteurs de terrain.D'ailleurs, dans cet état d'esprit, la dernière livraison des normes ISO 9001:2015 a mis un frein à la production effrénée de procédures et de documents qu'avaient déclenché les recommandations des premières versions de ces mêmes normes. Voir ici ISO 9001 : 2015. Que faire de notre manuel qualité, de nos procédures ?
    Bref, pour savoir si une procédure est utile ou pas il suffit d'utiliser ce qui est logé entre nos deux oreilles et ne pas prendre les autres pour des demeurés mais au contraire, faire toute confiance au réel professionnalisme des acteurs de terrain chevronnés. Et si vos techniciens ne sont pas chevronnés, alors dans ce cas, vous avez intérêt à être très précis : voir notamment la question des procédures incomplètes.
    Poursuivons avec une petite touche d'humour...

Humour procédure

Un simple exemple pour illustrer le propos. Considérons le métier de limonadier, barman donc. Pas besoin de préparer un Master "es Bistrot" pour l'exercer. Et pourtant... la préparation d'un cocktail exige une certaine maîtrise, pour ne pas dire un talent afin de doser et de mélanger les bons ingrédients au bon moment.
Ainsi saurez-vous préparer un Mandarin-Citron-Curaçao ? Non ?
Et bien écoutons le maître ...
CESAR : (s'adressant à MARIUS) : Eh bien, pour la dixième fois je vais te l'expliquer le picon-citron-curaçao (il s'installe derrière le comptoir) Approche-toi ! (Marius s'avance et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant il compose le breuvage)
CESAR : Mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un bon tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers d'eau. Voilà.
MARIUS : Et ça fait quatre tiers.
CESAR Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris (Il boit une gorgée du mélange).
MARIUS : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
CESAR : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !
MARIUS : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
CESAR : Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre.
MARIUS : Ça, c'est de l'arithmétique.
CESAR : Oui, quand on ne sait plus quoi dire, on cherche à détourner la conversation.


Voir l'extrait "in vivo" ci-dessous :


extrait marius de Pagnol

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